Que le travail de la pensée se fait dans le corps, j’en ai la preuve dans le bien-être profond que j’éprouve quand l’expression juste s’impose finalement à moi. Ce sont des moments d’aise et de légèreté où plus rien ne manque, où le bonheur est complet. Je souffre au contraire quand le processus est paralysé. J’ai parfois le sentiment que je ne m’en sortirai pas et suis pris de panique à l’idée que je vais échouer. C’est ce qui rend l’exercice de la pensée difficile, voire insupportable pour certains: parce qu’elle est la gestation de quelque chose de nouveau, elle avance dans le noir.

(Jean-François Billeter)